Pasteur Bernard Mourou Au premier siècle de notre ère, un homme a subjugué les foules. Je ne veux pas parler de Jésus, mais d’un autre, qui avant lui a exercé la même fascination sur le peuple. Ce personnage, c’est Jean-Baptiste. C’est lui qui va nous accompagner pendant ce temps de l’Avent. En effet, dans cette période d’attente et de préparation à la fête de Noël, il n’est pas dénué de sens de nous intéresser à celui qui est venu annoncer le Messie. Mais ce serait réducteur de réduire le personnage de Jean-Baptiste à cette attente. Dans ces premières pages des évangiles, il remplit une autre fonction qui saute moins aux yeux : Jean-Baptiste nous aide aussi à comprendre qui est le Christ. C’est dans avec cette préoccupation que nous allons aborder aujourd’hui ce personnage de Jean-Baptiste. Il convient d’abord de préciser d’emblée que l’on ne peut pas parler de Jean-Baptiste sans faire référence à un autre, un personnage haut en couleur et qui se distingue dans tous les domaines : le prophète Elie. Le récit de sa vie dans le livre des Rois mentionne des épisodes extraordinaires, jusqu’au moment où il quitte ce monde sur un char tiré par des chevaux de feu. N’étant pas passé par la mort, c’est lui qui devait revenir avant le Messie. Jean-Baptiste, quant à lui, est né dans une famille sacerdotale. Il réunit donc dans sa personne ces deux figures emblématiques du judaïsme que sont le prêtre et le prophète. Dans l’histoire d’Israël, c’est le prophète qui sacre le roi. Et tout roi porte le titre de messie, parce que ce mot veut simplement dire oint avec de l’huile. Les juifs attendaient un roi qui surpasserait ses prédécesseurs. C’est le rameau qui sortira de la souche de Jessé dont parle le texte d’Esaïe que nous avons lu tout à l’heure. Comme le judaïsme s’inscrit dans une histoire, il est impossible que ce Messie tant attendu vienne sans avoir été précédé par quelqu’un qui l’annonce. En tant qu’il est aussi prophète, Jean-Baptiste peut non seulement l’annoncer, mais aussi de le sacrer roi. Alors les évangélistes ne manquent aucune occasion de souligner toutes les similitudes qu’ils peuvent trouver entre Jean-Baptiste et Elie. Ils utilisent l’imaginaire existant dans la culture du judaïsme pour convaincre leurs lecteurs que Jésus est bien le Messie attendu. Nous ne nous étonnerons donc pas que la description de Jean-Baptiste reprenne point pour point celle d’Elie dans le Second livre des Rois. Comme Elie, Jean-Baptiste porte un vêtement en poil de chameau et une ceinture de cuir. Comme Elie a donné au roi Achab et à ses prophètes l’image d’un Dieu terrible, Jean-Baptiste vitupère contre aux pharisiens en les traitant de race de vipères. Comme Elie devait revenir avant l’intervention divine, Jean-Baptiste annonce ces temps derniers. Et pour inaugurer ces jours nouveaux, Jean-Baptiste instaure un nouveau rite. Il le met en place dans la rivière du Jourdain. Si le feu du soleil sur les pierres, les serpents et les scorpions, constituent l’univers du désert, le Jourdain avec ses rives verdoyantes fait figure d’oasis à côté de cet environnement hostile. Le lieu est bien choisi. Le feu du jugement annoncé va tout brûler, sauf ce qui va lui échapper en plongeant dans cette eau du Jourdain. Ce rite est préparatoire et il ne s’identifie pas au baptême chrétien. Il ne purifie pas la personne qui le reçoit, il marque juste le fait que cette personne s’est repentie. En cela, il annonce juste la purification à venir. Jean-Baptiste appelle ses contemporains à un changement radical. Le désert a façonné Jean-Baptiste et en a fait un homme de rupture. Il a fini par ressembler à cet environnement dans lequel il évolue. Il en a pris la rudesse. Jésus dira de lui : Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? Un roseau agité par le vent ? Alors, qu’êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu d’habits élégants ? Mais ceux qui portent des habits élégants sont dans les demeures des rois. Alors, qu’êtes-vous allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le déclare, et plus qu’un prophète. En cela, Jean-Baptiste est l’opposé de Jésus. Le contraste entre les deux permet de mieux comprendre le Christ. Alors que Jean-Baptiste vit comme un ascète qui se contente des sauterelles et du miel sauvage qu’il trouve dans le désert, Jésus au contraire n’hésitera pas à festoyer avec les pécheurs et délivrera un message empreint de douceur, même s’il traitera les pharisiens de la même manière. Le contraste qui naît ainsi permet de mieux percevoir la spécificité du Christ. Quoi qu’il en soit, Jean-Baptiste a facilité le ministère du Christ en lui préparant le terrain. Il nous invite à mettre à profit ce temps de l’Avent pour faire place nette, pour purifier nos vies ce qui nous éloigne de l’essentiel. Amen
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