Pasteur Bernard Mourou Nous arrivons aujourd’hui à la troisième et dernière partie des sept paraboles que Jésus délivre à la foule depuis une embarcation. Dans notre premier passage, il était question de la parabole du semeur, puis dimanche dernier nous avons vu les paraboles de l’ivraie, de la graine de moutarde et du levain. Aujourd’hui nous avons trois nouvelles paraboles. Elles sont courtes et ne figurent que dans l’Evangile de Matthieu : ce sont les paraboles du trésor, de la perle et du filet. Elles ont pour point commun des choses précieuses trouvées par hasard : un homme qui trouve un trésor dans un champ et qui vend tout pour acheter ce champ, un marchand qui trouve une perle de valeur et qui vend tout pour acheter cette perle, un filet dans lequel se trouvent, entre autres choses, des poissons qui pourront servir à la consommation. Jésus utilisait souvent les paraboles pour parler de la vie spirituelle. Ce qui fait la spécificité d’une parabole, c’est qu’elle ne livre pas son sens d’emblée et qu’elle échappe à toute tentative de systématisation. Il est impossible de trouver une signification pour chacun de ses éléments, à la différence de l’allégorie, où chaque élément fait sens. C’est cela qui rend difficile l’interprétation d’une parabole, et parfois, nous sommes tentés de lire les paraboles comme des allégories. Avec les paraboles, nous sommes donc face à des récits qui exigent de nous une opération de discernement. Nous devrons discerner les éléments porteurs de signification, de ceux qui ne renvoient à rien et que nous devrons négliger. Toute parabole fait donc appel à notre intuition. Dans ces conditions, utiliser plusieurs paraboles plutôt qu’une présente un intérêt certain : cela fait apparaître plus nettement les éléments-clés. En français, si on veut être précis, on a recours à des adjectifs ou à des termes spécifiques. En hébreu biblique, on dispose de peu de mots et on va plutôt travailler sur les images. Si on recherche la précision, on va par exemple utiliser plusieurs paraboles plutôt qu’une. Ce qui va être retenu, c’est ce qui est commun aux deux paraboles. Alors, voyons ce que ces trois paraboles ont en commun. Premièrement, il y est question de quelque chose de caché, qui échappe aux regards et qui pourrait facilement passer inaperçu : le trésor est enfoui dans la terre, la perle demande un regard d’expert, et seul l’expérience du pécheur saura trier les poissons comestibles de ceux qui ne le sont pas. On peut passer facilement à côté de ce trésor, de cette perle ou de ces poissons. Le trésor est resté longtemps dans le sol avant d’être déterré, la perle et les poissons sont restés longtemps au fond de la mer avant d’être ramenés à la surface. Deuxièmement, il est question de quelque chose que l’on trouve : l’homme qui trouve le trésor ne l’a pas cherché, au mieux a-t-il travaillé le champ, mais ce n’est même pas sûr et ce n’est pas important ; le marchand qui reconnaît la belle perle cherchait bien des perles de valeur, mais il ne savait pas quand il mettrait la main dessus et cette découverte lui vient comme une grâce ; le pêcheur est à la recherche de poissons, mais pourquoi capture-t-il ceux-là plutôt que d’autres, ou que rien du tout ? Dans les trois cas, on a quelque chose qui vient comme une bonne surprise, qui est la caractéristique du concept théologie de grâce. Troisièmement, aussi bien le trésor, que la perle, ou même que les poissons, qui assurent la subsistance de l’être humain, ont une grande valeur. A partir de là, il s’agit de discerner ce qui a beaucoup de valeur et ce qui en a moins : le trésor et la perle d’une part, et ce contre quoi on va les échanger, les poissons comestibles et ceux qui ne le sont pas. Ces trois points, finalement, tournent autour d’une seule chose : il est question de découvrir quelque chose qui présente un grand intérêt, mais qui aurait pu aussi bien ne pas avoir lieu. Voyons maintenant comment ces trois paraboles nous parlent de la vie spirituelle. Les exégètes distinguent deux sortes de paraboles : – les paraboles qui racontent une histoire, qu’on appelle les récit-paraboles – les paraboles qui utilisent une comparaison, qu’on appelle les paraboles-images, parce qu’elles cherchent à nous faire saisir une réalité abstraite au moyen d’une image. Ici nous avons trois paraboles-images. Elles introduisent une comparaison : Le Royaume des Cieux est semblable à… Nos trois paraboles vont nous aider à voir la vie spirituelle de manière plus concrète. Ce que nous avons ici, ce n’est pas une comparaison entre la vie spirituelle et un trésor ou une perle, mais la révélation de ce qui se passe quand une personne découvre un trésor ou une perle, la relation qui naît entre un découvreur et l’objet découvert. Nous ne sommes donc pas renvoyés à une chose, mais à une relation. Et c’est un fait que la vie spirituelle relève de la relation. La vie spirituelle dépend de la disponibilité dont nous sommes capables pour faire une découverte. Ce qui est en jeu ici, ce n’est pas tant la décision de renoncer à tout pour l’objet de la découverte. Contrairement à une idée reçue, toute idée de sacrifice est absente de ces trois paraboles. Et s’il y a une décision, elle est évidente et s’impose d’elle-même. Ce qui est en jeu, c’est de voir qu’il y a un trésor à déterrer, une perle à acheter, du poisson à prendre. Ces trois paraboles cherchent à nous faire comprendre que ce qui va être déterminant, c’est notre disponibilité devant l’occasion qui s’offre à nous. Il se pourrait que le Royaume de Dieu nous reste caché si nous ne sommes pas suffisamment attentifs. Savons-nous voir les trésors cachés de Dieu dans notre vie. Avons-nous le coup d’œil habile de l’expert, ce coup d’œil qui sait reconnaître la valeur des choses ? Ces deux paraboles nous encouragent à faire preuve d’attention. Ces mois d’été sont un moment privilégié pour exercer notre attention. Partir en vacances, faire du tourisme, c’est se rendre attentif à une nouvelle région ou à un nouveau pays. Et même si nous restons chez nous, dans notre environnement familier, le temps libre supplémentaire dont nous disposons nous permet de voir attentivement tout ce que nous risquons de négliger dans la frénésie du quotidien. Alors soyons en éveil, rendons-nous attentifs aux choses et aux êtres qui croiseront notre chemin cet été. Amen |