Matthieu 11, 2-11 – Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?

 

Pasteur Bernard Mourou

Même les croyants les plus fervents ne sont pas épargnés par le doute.

Quelques chapitres avant notre passage, Jean-Baptiste avait désigné le Messie. De Jésus il avait dit : C’est lui, c’est lui dont a parlé le prophète Esaïe.

Et maintenant, voilà ce même Jean-Baptiste désemparé, désorienté, perplexe au point de se demander : Est-il celui qui doit venir ou faut-il en attendre un autre ?

Ce terme de Messie signifie oint avec de l’huile. A ce titre, tout roi d’Israël était un Messie.

Mais dans les siècles passés les prophètes avaient annoncé un roi supérieur encore à David ou Salomon. Avec lui devait commencer une ère de justice et de prospérité pour le pays. Au premier siècle de notre ère, les juifs attendaient ardemment sa venue.

C’est ce futur roi que Jean-Baptiste a vu, ou a cru voir en Jésus, ce Messie qui rétablirait la justice et ferait le tri entre les bons et les méchants.

Bien sûr, dans le peuple certains voudront y croire jusqu’au bout, jusqu’à l’entrée de Jésus dans Jérusalem quelques jours avant sa Passion.

Mais Jean-Baptiste, lui, a plus de clairvoyance.

Le comportement de Jésus le surprend. Il n’opère pas ce tri entre les bons et les méchants, mais il festoie avec les pécheurs, et il dit à ses disciples : Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre.

Il n’a rien de ce roi que l’on attend et dont Jean-Baptiste aurait bien besoin. En effet, au moment où se déroule notre récit, il croupit en prison parce qu’il a reproché ses mœurs à Hérode le Tétrarque.

Comme il ne voit pas Jésus venir le libérer, il ne sait plus très bien ce qu’il doit penser. Où est-il, celui qui devait proclamer aux captifs leur délivrance et aux prisonniers leur libération ? Comment un tel homme pourra-t-il devenir roi ? Il semble qu’il n’en ait pas vraiment l’étoffe…

Au point où il est arrivé, Jean-Baptiste expérimente ce que vit tout croyant : le doute qui accompagne la foi.

Dans les circonstances difficiles qu’il traverse, Jean-Baptiste prend la seule décision adaptée à la situation : il libère sa parole et décide de poser ouvertement la question à Jésus. Pour cela, depuis sa prison il envoie des émissaires auprès de lui.

Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?

La formulation de sa question nous informe sur le raisonnement de Jean-Baptiste : elle montre qu’il attend une réponse affirmative ou négative.

Mais à maintes reprises déjà Jésus a montré son refus d’aborder les questions de manière binaire, et à aucun moment il ne dit aux émissaires de Jean-Baptiste : Oui, je suis bien le Messie.

Sa réponse est plus subtile. Il mentionne juste les miracles qu’il fait, dans une énumération progressive : d’abord la guérison des aveugles, des boiteux, des lépreux et des sourds, puis, plus difficile encore, la résurrection de ceux qui ont été frappés par la mort.

Mais l’énumération continue. Que peut-il y avoir d’encore fort que des résurrections ? Ce qui vient couronner cette énumération : l’annonce de l’Evangile.

Les guérisons et les résurrections revêtent moins d’importance que cette bonne nouvelle annoncée aux pauvres, c’est-à-dire pas seulement les personnes dépourvues de biens matériels, mais toutes celles qui éprouvent un manque quelconque dans leur vie et qui savent ne pas pouvoir vivre sans l’aide de Dieu.

Cela signifie que la réussite ou l’échec ne prouve rien. L’essentiel se joue ailleurs. C’est dans cette perspective que Jean-Baptiste est invité à voir son emprisonnement.

On ignore comment il a réagi, mais nous pouvons penser qu’il aura envisagé cette autre perspective.

Car malgré les doutes qu’il a exprimés, Jésus lui garde toute son estime, comme le montrent ces paroles : Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? un roseau agité par le vent ? un homme habillé de façon raffinée ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète. C’est de lui qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi. Amen, je vous le dis : Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui. 

L’évangile ne condamne jamais le questionnement, au contraire, il l’encourage. En effet, il change notre manière de penser et nous fait progresser dans notre foi. Comme pour Jean-Baptiste, nos doutes peuvent nous conduire à une autre compréhension des Ecritures.

Nos doutes nous offrent la possibilité de voir les choses sous un autre angle.

C’est pourquoi ce temps de l’Avent nous invite à ne pas les fuir, mais au contraire à les accueillir. Si nous les abordons avec la bonne attitude, ils pourront nous préparer à vivre la fête de Noël dans une confiance renouvelée.

Amen

 

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