Matthieu 11, 2-11 – En proie au doute

Quel croyant n’a pas été effleuré, un jour où l’autre, par le doute ? Aujourd’hui, c’est Jean-Baptiste que nous voyons aux prises avec le doute. Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? 

Oui, ce prophète hors du commun se met à douter. Pourquoi a-t-il perdu cette foi inébranlable, cette foi qui l’a conduit à annoncer Jésus comme le Messie ?

Objectivement, Jean-Baptiste a effectivement un certain nombre de bonnes raisons pour douter.

Revenons en arrière. Les juifs attendent un Messie qui rétablira la paix et la prospérité pour le pays, un homme providentiel, en quelque sorte, un sauveur qui apportera la solution à tous les problèmes du pays. Et Jean-Baptiste a reconnu en Jésus ce Messie attendu.

Jean-Baptiste avait dit que Jésus serait celui qui baptiserait non simplement avec de l’eau comme lui, mais avec le feu. En bons lecteurs de la Bible, nous sommes habitués à cette expression « baptême de feu », mais on peut penser que dans la bouche de Jean-Baptiste, cette expression n’était pas anodine, mais renvoyait à quelque chose de terrible : un feu venu du ciel pour un nettoyage radical et purificateur au moyen d’un tri entre les bons et les méchants.

Mais Jean-Baptiste est réaliste : il voit bien que Jésus ne prend pas cette voie, et que malgré ses nombreux adeptes, il n’a pas le soutien des religieux. D’ailleurs, Jean-Baptiste est lui aussi confronté à cette hostilité. Il a beau avoir suscité l’engouement des foules avec son baptême de repentance dans le Jourdain, son ministère vient de subir un coup d’arrêt brutal : Jean-Baptiste est maintenant en prison.

Les événements semble mettre fin à une grande espérance. Alors Jean-Baptiste veut y voir plus clair.

Maintenant que Jean-Baptiste est en prison, son seul espoir réside en Jésus. Mais le Messie devait donner la liberté aux prisonniers : selon le livre d’Esaïe, il devait guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le seigneur.

En homme simple et direct, Jean-Baptiste lit sans doute ce texte de manière littérale. Comment, alors, comment comprendre le déroulement des événements : il est prisonnier, et Jésus n’est pas en mesure de le faire évader de sa prison. L’horizon d’un Royaume de Dieu visible et tangible paraît s’éloigner. Non, décidément, les choses ne se passent pas comme il le croyait. Jésus ne semble pas s’imposer comme le Messie.

Lorsque les choses ne se passent pas comme on l’attendait, le doute surgit. C’est ce qui se passe pour Jean-Baptiste : il est pris par le doute. Alors, il dépêche quelques-uns de ses disciples auprès de Jésus pour lui demander si oui ou non il est bien le Messie.

Et la réponse de Jésus est décevante, parce qu’elle n’apporte rien de nouveau : Jésus rappelle simplement les œuvres qu’il fait et que Jean-Baptiste connaît déjà. C’est une énumération factuelle : la guérison des aveugles, des boiteux, des lépreux, des sourds, la résurrection de personnes décédées. Mais ce n’est pas le plus important : Jésus met l’accent sur son message, qu’il garde pour la fin, cette Bonne Nouvelle de l’Evangile qui est annoncée aux pauvres.

Cela étant, à aucun moment Jésus ne dit : « Oui, c’est bien moi le Messie ». Et le texte ne nous dit pas comment Jean-Baptiste a reçu cette réponse, mais nous pouvons penser qu’elle lui a permis de voir les événements sous une autre perspective.

Ce qui peut nous laisser penser cela, c’est ce que dit Jésus sur Jean-Baptiste : Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? un roseau agité par le vent ? un homme habillé de façon raffinée ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète. C’est de lui qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi. Amen, je vous le dis : Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui. » Jésus ne le disqualifie pas, au contraire, il lui fait des éloges.

Cela doit nous encourager. Cet éloge de Jésus pour Jean-Baptiste n’est pas incompatible avec ses doutes. On peut être le plus grande des prophètes et être pris par le doute.

Cela signifie que ni l’emprisonnement de Jean-Baptiste, ni plus tard l’opposition que rencontrera Jésus, ne sont des signes d’échec. Nos échecs ne signifient rien, nos réussites non plus d’ailleurs : l’essentiel se joue ailleurs.

Il n’est pas interdit d’avoir des doutes et on ne doit pas les craindre, au contraire : il est sain de laisser place au questionnement. Ils sont bénéfiques parce qu’ils peuvent nous permettre de penser différemment, et donc à progresser dans notre foi.

Comme pour Jean-Baptiste, nos doutes peuvent être pour nous une invitation à comprendre les textes des Ecritures d’une manière nouvelle, différente, à revoir notre compréhension des choses et des événements.

Oui, le cours du monde et de nos vies peut éprouver notre foi et nous faire douter. S’il en est ainsi, c’est que nous n’avons pas laissé de côté la réflexion et c’est donc positif. Derrière nos doutes se cache une bénédiction : la possibilité de voir les choses sous un autre angle. C’est seulement si nous avons des doutes que nous pourrons les dépasser, et découvrir une nouvelle manière de voir, une nouvelle compréhension des événements qui marquent nos existences.

Si nous ne changeons pas notre manière de voir les choses, Noël sera toujours la même fête et il faudra trouver une stimulation dans la consommation de biens matériels, mais si nous accueillons nos doutes, nous ne vivrons pas ce temps de Noël comme les autres années.

Que ce temps de l’Avent nous permette d’accueillir nos doutes et nous prépare à vivre d’une autre manière cette fête de Noël.

Amen

 

 

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