Jean 20, 11-18 – Le matin de Pâques

Pour ce dimanche de Pâques, la liturgie nous propose les dix premiers versets du chapitre 20. Mais je ne veux pas répéter ce que j’ai dit pour la conférence-débat de Forcalquier, alors j’ai choisi de prendre le passage qui suit et où il est aussi question de la résurrection.

Résumons ce qui vient de se passer. C’est le matin de Pâques. Marie-Madeleine s’est rendue au tombeau. Elle n’a pas pénétré à l’intérieur du tombeau, elle a juste constaté que la pierre avait été roulée et que le corps de Jésus n’y était plus. Elle en a conclu que quelqu’un était venu enlever le corps. Puis elle est descendue le dire à Pierre et à Jean, qui sont venus à leur tour au tombeau. Pierre est entré à l’intérieur et il a observé attentivement ce qu’il voyait : l’absence du corps et le linge soigneusement plié. Puis Jean est entré à son tour dans le tombeau, il a vu la même chose, mais le texte nous dit qu’en plus d’avoir vu, il avait cru. Puis le récit s’intéresse de nouveau à Marie-Madeleine, et c’est là que commence notre passage.

L’Evangéliste disposait d’une documentation qui faisait état de plusieurs femmes – Matthieu en mentionne deux, Marc trois, et Luc plus encore – mais dans une volonté de simplification, il choisit de n’en retenir qu’une : Marie-Madeleine.

Au début de notre passage, Marie-Madeleine est encore sous le choc : elle est en pleurs, elle est inconsolable. A aucun moment elle n’aurait pu imaginer que Jésus connaîtrait une telle fin. Et non seulement Jésus est mort, mais en plus son corps a disparu. Marie-Madeleine n’a plus rien à quoi elle pourrait se raccrocher.

Et puis en l’espace de quelques instants seulement, elle dit : J’ai vu le Seigneur ! Comment un tel retournement est-il possible ? Comment a-t-elle pu passer en si peu de temps de l’abattement à cet état d’exaltation ?

L’élément déterminant, c’est son entrée dans le tombeau. Lorsqu’elle était venue la première fois, elle n’avait pas pénétré dans le tombeau. Maintenant elle fait comme Pierre et Jean : elle pénètre dans le tombeau.

Et là, dans le tombeau, ce qu’elle voit en premier, ce sont deux anges vêtus de blanc, couleur qui symbolise la pureté du monde céleste. Ces anges prennent la parole, mais ils n’affirment rien, ils se contentent de l’interroger sur les raisons de son chagrin. Sa réponse montre qu’elle en est restée à sa conclusion initiale, quand elle était montée une première fois au tombeau. On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a déposé, voilà ce qu’elle répète en boucle. Elle est bloquée sur ce qui pour elle relève de l’inconcevable.

Mais Marie-Madeleine ne reste pas dans le tombeau, et lorsqu’elle s’apprête à sortir, elle se retourne. Elle ne regarde plus vers l’intérieur du tombeau, mais vers l’extérieur, du côté d’où vient la lumière. Et c’est là qu’elle voit Jésus, qui l’interroge à son tour sur les raisons de son chagrin. C’est quand elle ne regarde plus vers le tombeau, qu’elle peut voir Jésus.

L’Evangéliste insiste sur le mystère qui entoure cette apparition. En fait, Marie-Madeleine ne le reconnaît pas tout de suite : elle le prend pour le jardinier, et tout ce qui l’intéresse, c’est qu’il lui ramène le corps de Jésus. A ce moment-là du récit, elle en est restée à la mort et son souhait se réduit à pouvoir disposer de sa dépouille.

Après un temps, elle le reconnaît. Et ce qui lui permet de le reconnaître, c’est sa voix : Jésus appelle Marie-Madeleine par son nom. Alors elle s’adresse à son tour à lui en l’appelant Rabbouni, un terme qui contient une dimension affective. Toutes les apparitions du ressuscité ont ce point commun que la reconnaissance ne se fait pas immédiatement, mais se révèle après un processus de relecture.

Nous avons ici une reconnaissance mutuelle. Elle va faire passer Marie-Madeleine de la mort à la vie.

Mais cette reconnaissance mutuelle n’aurait pas été possible si Marie-Madeleine n’était pas entrée, puis sortie du tombeau. Ce qui permet que quelque chose se passe, c’est ce double mouvement : d’abord le fait de pénétrer dans le tombeau, puis le fait d’en sortir.

Pour le chrétien, la Passion et la résurrection sont inséparables. La résurrection suppose la Passion, mais la Passion toute seule, sans la résurrection, ne mène à rien.

C’est un élément riche de sens : comme Jésus est passé par la mort avant de ressusciter, ses disciples eux aussi sont appelés à passer par la mort avant de vivre cette résurrection. L’apôtre Paul ne dit pas autre chose quand il écrit dans l’épître aux Romains : Si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui.

Le disciple ne doit pas se détourner de cette réalité qu’est la mort, mais il n’a pas vocation à rester dans la mort. Ce n’est pas en regardant dans le tombeau que Marie-Madeleine entend la voix de Jésus qui l’appelle par son nom, c’est en regardant vers la lumière, c’est en regardant vers la vie.

Mais le récit continue à garder sa part de mystère. Pourquoi Jésus dit-il : Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. 

Marie-Madeleine s’est sans doute prosternée aux pieds de Jésus. Les sens n’interviennent plus dans la nouvelle relation qui est en train de s’instaurer entre Jésus et Marie-Madeleine, comme entre Jésus et tous ses disciples. Cette nouvelle relation est spirituelle.

Désormais, Marie-Madeleine doit se séparer du Jésus terrestre qu’elle a connu. Il faut qu’elle apprenne à faire le deuil de la présence sensible du Ressuscité pour le chercher avec le regard de la foi. Désormais, la communion qu’elle aura avec lui sera une communion spirituelle. Parmi ses disciples, il n’y aura pas de différence entre ceux qui ont côtoyé Jésus sur terre et tous ceux qui viendront après.

Mais le mystère débouche sur une exhortation : celui de partir témoigner de son expérience. Comment invoquer le Seigneur, si on n’a pas mis sa foi en lui ? Comment mettre sa foi en lui, si on ne l’a pas entendu ? Comment entendre si personne ne proclame ?, s’exclame l’apôtre Paul. Lors de notre journée consistoriale le lundi de Pentecôte avec Alain Arnoux, nous pourrons justement réfléchir à cette question de la mission et du témoignage.

La mort et la résurrection du Christ ne nous invite pas à une foi centrée sur nous-mêmes, mais sur une ouverture au monde pour la mission et le témoignage.

Amen.

Bernard Mourou

 

 

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