Jean 1, 1-18 – La véritable lumière

Pasteur Bernard Mourou

Chaque année nous allumons la couronne de l’Avent, d’abord une bougie le premier dimanche, puis ce sont deux, puis trois, puis les quatre bougies qui sont allumées pour toujours plus une lumière toujours plus grande. Pourtant, entre le premier et le quatrième dimanche de l’Avent, dans la nature le jour continue à diminuer et la nuit à augmenter.

Ce temps de l’Avent est marqué par la lumière et la persistance de l’espoir : symboliquement, dimanche après dimanche l’accent est mis toujours un peu plus sur la lumière, alors que dans le même temps la nuit ne cesse de progresser.

Et puis lorsque vient Noël, on s’aperçoit que les jours ont pris le pas sur les nuits et qu’ils ont commencé, imperceptiblement, à s’allonger. C’est comme si la lumière avait triomphé sur les ténèbres, comme si l’espoir avait triomphé sur le désespoir.

Il en va un peu de même dans la vie : nous voyons que le mal est toujours à l’œuvre et qu’il frappe à l’aveugle y compris dans les symboles mêmes de Noël, et nous avons bien sûr encore à l’esprit la ville de Berlin qui a été frappée il y a quelques jours.

Mais malgré la présence des ténèbres, la lumière est là, comme cette lumière de Bethlehem que nous ont apportée les scouts et qui il y a deux semaines a rassemblé dans notre temple une centaine de personnes de différents horizons religieux.

Oui, depuis trois jours, en fait depuis le 21 décembre, les nuits sont de nouveau plus courtes et la lumière augmente.

La période de Noël nous invite à l’espérance. Elle réalise l’attente dont ont parlé les prophètes d’Israël.

En venant dans le monde, Dieu s’est fait solidaire de l’humanité. Et maintenant, au creux de l’hiver, au cœur de l’obscurité, la fête de Noël éclaire les ténèbres de notre monde.  

Cette lumière, cette espérance, il en est question dans ce passage de l’Evangile selon Jean qui nous est souvent proposé comme lecture en ce jour de Noël.

Ce passage est le Prologue de cet Evangile. Un prologue, c’est en quelque sort une introduction, un texte qui prépare le lecteur au récit proprement dit.

Cela signifie que le passage qui nous est proposé ce matin n’est pas un texte narratif. Au premier abord, ce texte peut nous paraître aride. Il ressemble plus à un traité philosophique qu’à un récit d’Evangile. En fait, nous avons affaire à une hymne, c’est-à-dire à un poème religieux, fruit d’une longue maturation théologique.

Avant le récit de l’Evangile, ce texte aborde l’origine de Jésus. Et pour ce faire, il évite délibérément tout le côté pittoresque que l’on peut trouver chez Matthieu ou chez Luc : Ici nous n’avons pas de crèche, pas d’étoile, pas d’anges, bref, rien de ce qui fait notre imaginaire de Noël. L’origine de Jésus-Christ n’est pas à chercher dans le monde créé.

Ce que cherche à montrer Jean, c’est une autre spécificité de Jésus-Christ : le fait qu’il est venu dans le monde fini de la Création alors que lui-même ne relève pas ce cette Création. Dans la mesure où Jésus-Christ est hors de la Création, il est aussi hors du temps.

Oui, Jésus-Christ est extérieur à la Création, et pourtant il prend part à cette Création en venant dans le monde. Au moment où il s’incarne, il rejoint l’histoire humaine. C’est cette irruption dans notre réalité temporelle que nous fêtons à Noël.

Ce Prologue ne raconte pas la Nativité, mais il aborde l’origine de Jésus-Christ sous l’angle de la philosophie.

En sachant cela, nous pouvons essayer d’analyser les concepts philosophiques qu’il contient. Ce serait une démarche logique. Mais elle risque de nous faire passer à côté de ce texte, parce que son auteur récuse toute spéculation philosophique : ce qu’il veut, c’est nous inviter à contempler la personne de Jésus-Christ.

Mais pour le faire, il se place sur le propre terrain des philosophes, pour montrer que tous les concepts de la philosophie sont ternes au regard de la lumière qui émane de Jésus-Christ.

Oui, ce texte est une critique subtile des philosophies connues à l’époque, et notamment de la philosophie gnostique, qui avait influencé de nombreux cercles chrétiens. Cela explique par exemple ce terme du logos, que nos Bibles traduisent par le verbe, ou encore par parole, et qui était fréquemment utilisé par  les gnostiques. Le logos, c’est la Parole créatrice, cette parole qui donne un sens intelligible.

L’auteur nous dit en quelque sorte : Vous qui voulez savoir ce qu’est la lumière, venez contempler Jésus-Christ. Ainsi, même s’il n’a aucune notion de philosophie, le croyant est aussi avancé que le penseur le plus expérimenté et le plus versé dans la spéculation philosophique.

Les gnostiques voyaient le monde en termes dualistes, c’est-à-dire que pour eux le monde, lieu d’affrontement entre le bien et le mal, était au pouvoir à la fois d’un dieu bon et d’un dieu mauvais. En  fait, ils plaçaient le mal sur le même plan que le bien et en ce sens, ils lui donnaient une importance qu’il ne devait pas avoir.

Si Jésus-Christ est le logos et s’il n’est pas soumis au temps, alors tout ce qui existe et qui fait partie de la Création trouve son origine en lui : Par lui, tout s’est fait, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui. Dire cela, c’est donc affirmer qu’il n’y a pas un dieu du bien et un dieu du mal.

La lumière, dans le Prologue de Jean, ne peut pas venir d’une philosophie, mais seulement de Jésus-Christ. C’est lui qui est la véritable lumière.

En venant dans le monde, Jésus s’est montré solidaire. Il nous a rejoints dans l’obscurité de nos jours d’hiver, mais aussi dans l’obscurité de nos existences. Désormais, nous ne sommes plus seuls dans cette obscurité. Par sa seule présence, Jésus-Christ illumine chaque être humain.

Ce Prologue de Jean nous rappelle que les ténèbres n’ont aucune prise sur la lumière et que là où la lumière brille, il n’y a pas de ténèbres. Oui, la présence de Jésus-Christ fait disparaître les ténèbres. En ce jour de Noël, qu’il en soit ainsi pour nous : malgré les ténèbres qui sont encore autour de nous et en nous, que la lumière de Jésus-Christ brille toujours plus parmi nous !

Amen

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