Marc 6, 1-6 – Jésus sujet de contradiction

 

Pasteur Bernard Mourou

Nous nous réjouissons pour le baptême de David et de Jeremy. Avec leurs parents, ils sont venus d’Australie, où ils habitent, pour célébrer cet événement dans le pays d’origine.

Dans notre texte, Jésus fait la même chose : il revient chez lui à Nazareth après être parti, un peu moins loin, sur les chemins de la Galilée.

A Nazareth, tout le monde connaît Jésus, sa famille et l’activité familiale. Le charpentier est un personnage incontournable dans un village tel que Nazareth. Les habitants ont vu grandir Jésus, ils l’ont côtoyé dans leur vie quotidienne. Au fil des jours, il s’est développé une relation de familiarité, de cordialité, de bon voisinage.

Puis ils ont appris que Jésus sortait un peu de la norme, qu’il enseignait et guérissait partout où il passait.

Et maintenant, en ce jour de sabbat, Jésus se trouve dans la synagogue du village. Pour lui, ce moment revêt une grande importance. Il va pouvoir se faire reconnaître par tous ces gens qu’il a côtoyé pendant une trentaine d’années. Se faire reconnaître, ce n’est pas se présenter comme le fils du charpentier, mais c’est faire découvrir qui il est vraiment.

Et pour cela, quel endroit plus approprié que la synagogue ? La synagogue est le lieu de socialisation par excellence, une maison de réunion, comme le signifie ce mot. C’est là que se rassemble chaque semaine toute la population du lieu pour étudier la Torah et les livres prophétiques.

La religion rythme la vie locale et tisse le lien social. C’est donc dans la synagogue de Nazareth que Jésus va maintenant commenter les textes sacrés devant tous ces gens qui le connaissent – ou qui croient le connaître.

Et sa prédication fait apparaître une contradiction : l’écart qui existe entre cette familiarité qui a été rendue possible par trente années de présence quotidienne, et la nouveauté radicale qui ressort de son message.

Ces gens de Nazareth qui l’ont connu dans son humanité, vont-ils maintenant pouvoir le reconnaître dans sa divinité ?

En fait, ils ont vu sa sagesse et ses miracles, mais en même temps ils savent aussi qu’ils ont affaire à quelqu’un de chez eux, à une personne « du coin ». Cet écart provoque d’abord chez eux un grand étonnement. Le texte insiste sur ce point : il ne dit pas qu’ils sont simplement étonnés, mais qu’ils sont frappés d’étonnement.

Oui, cette convergence entre une humanité empreinte de banalité, et une divinité qui les dépasse les amène se poser des questions : D’où cela lui vient-il ? Et quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, si bien que même des miracles se font par ses mains ? N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie et le frère de Jacques, de Josès, de Jude et de Simon ? et ses sœurs ne sont-elles pas ici, chez nous ? Leur problème, c’est de faire tenir ensemble l’humanité et la divinité de Jésus. Nous sommes là dans ce qui constitue le cœur de la foi chrétienne.

Leur étonnement, dans un premier temps, est une réaction saine, car il est le signe qu’ils réfléchissent. L’étonnement peut être une bonne chose : pensons à celui de Marie lors de l’Annonciation : Comment cela se fera-t-il ? Son étonnement la conduira à la foi.

Oui, l’étonnement peut conduire à la foi. Mais ici, c’est l’inverse qui se passe : l’étonnement des habitants de Nazareth débouche sur l’incrédulité, de sorte que Jésus devient pour eux une occasion de chute, nous dit l’évangéliste.

Pour eux, l’essence d’une personne dépend des apparences. Leur superficialité les empêche de voir qui est vraiment Jésus.

Après s’être étonnés, ils auraient pu aller vers la foi, ils auraient pu dire que Jésus était certes l’un d’entre eux, mais que l’important, c’était sa sagesse et ses miracles, qui renvoyaient à une réalité différente. Mais ils se révèlent incapables de prendre en compte à la fois son humanité et sa divinité. Le fait qu’ils le reconnaissent comme l’un des leurs le disqualifie à leurs yeux.

Pourtant, en réagissant ainsi, ils ne viennent pas à bout de la contradiction : elle reste entière. La même chose était arrivée aux pharisiens un peu avant : dans cette même localité de Nazareth, ils avaient été confrontés à la même contradiction et ils avaient résolu le problème en attribuant les miracles de Jésus au diable. Eux non plus n’avaient pu venir à bout de cette contradiction.

La radicale nouveauté qu’apporte ici Jésus, c’est de rejoindre les êtres humains là où ils sont et de faire surgir l’altérité absolue de Dieu dans la banalité du quotidien. C’est cela l’Incarnation : un Dieu qui nous rejoint en devenant comme l’un d’entre nous.

A Nazareth Jésus est un personnage connu. Les habitants l’ont vu en chair et en os. Sous cet angle ils le connaissent très bien, mais cela ne les aide pas, parce que ce n’est pas sous cet aspect que Jésus se fait connaître à nous.

C’est peut-être malheureux pour eux, mais c’est heureux pour nous : c’est la preuve que rien ne nous manque, à nous qui n’avons pas vu Jésus en chair et en os.

Cette réalité est pour tous. Elle est aussi pour David et Jérémy, qui ont été baptisés ce matin. Leur baptême marque leur entrée dans l’Eglise et le début d’un parcours spirituel. Notre espérance, c’est que ce parcours les conduira à découvrir qui est vraiment Jésus-Christ.

Mais avant cela, souhaitons à David et Jeremy de garder leur étonnement d’enfant et la capacité de réfléchir, par la confrontation du quotidien avec la réalité de la foi. Alors, ils pourront ainsi réajuster constamment leurs conceptions et progresser dans leur connaissance du christ.

Amen

 

 

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