Marc 5, 21-43 – Détermination

 

Pasteur Bernard Mourou

Notre récit met en scène deux femmes. L’une est jeune, l’autre plus âgée. Cette histoire a été rapportée par les trois évangiles synoptiques, mais c’est l’évangile selon Marc, le plus court des trois, qui la développe le plus.

De la première, on connaît son âge, douze ans (l’âge qui à cette époque permettait de se marier) ; ce n’est plus une enfant, mais une toute jeune femme ; on connaît aussi sa famille : une famille de notables, puisque son père, Jaïre, est un des chefs de la synagogue ; il n’est pas rabbin, mais il est responsable des choses matérielles pour la communauté juive du lieu.

On sait moins de choses sur la seconde, si ce n’est qu’elle a une hémorragie qui la rend impure et n’a trouvé aucun médecin qui aurait pu la guérir, malgré tout l’argent qu’elle leur a donné.

Nous avons donc deux femmes qui n’ont pas le même statut dans la société : la première peut agir ouvertement, la seconde a honte de son mal et se cache, car selon la loi juive, son état lui interdit de toucher quelqu’un.

Mais ces deux femmes sont aussi reliées l’une à l’autre de manière symbolique, par le nombre 12 : la première a 12 ans, la seconde est malade depuis 12 ans. Ce nombre 12 renvoie à la plénitude.

Les nombres ne sont pas choisis au hasard. Jésus choisit de ne rester qu’avec 3 de ses disciples : Pierre, Jacques et Jean, et avec la jeune fille, son père et sa mère. Les personnages sont donc 7 en tout. 3, 7, 12, tous renvoient à la symbolique divine.

Quant à son sens, ce texte nous parle de détermination. Nous avons affaire à des personnes qui refusent de se laisser arrêter par les difficultés :

  • le père de la jeune fille va jusqu’au bout de sa démarche ;
  • quant à la femme malade, elle a entrepris tout ce qui était possible auprès des médecins, sans résultat ; après 12 ans elle a atteint ses limites ; mais elle ne reste pas sur ses échecs : maintenant qu’elle se trouve en présence de Jésus, elle se tourne vers lui ; et finalement son acharnement s’avère enfin payant : son hémorragie est stoppée.

La détermination des personnages permet à la vie de gagner. Car notre récit suit les rebondissements de la vie : rien ne se passe comme on pourrait s’y attendre. Le cours des événements est interrompu à trois reprises :

  • une première fois lorsque cette femme enfreint la Loi et touche Jésus. Elle sait qu’elle enfreint le Loi, elle vient par derrière et ne fait aucune demande explicite. Elle veut à tout prix rester incognito, mais la vie est la plus forte.
  • une deuxième fois lorsque on annonce la mort de la jeune fille. On croit que c’est trop tard, mais là aussi la vie est la plus forte.
  • une troisième fois quand la mort est stoppée : c’est la victoire définitive de la vie sur la mort.

La Loi s’avère impuissante à faire triompher la vie. Pourtant, tout le rituel juif était destiné à rétablir l’ordre et les forces de vie quand le chaos sévissait chez un individu ou dans le pays. Les sacrifices des prêtres étaient là pour rétablir l’ordre des choses chaque fois que le chaos et le mal faisaient irruption. Mais cette même loi voulait que quelqu’un qui était touché par l’impureté deviennent lui-même impur, et alors c’était l’impureté qui avait le dernier mot.

Si la Loi avait été suivie à la lettre, il ne se serait rien passé. Jésus aurait été impur après avoir été touché par la femme ou après avoir pris la main de la jeune fille, parce que toucher un cadavre rend aussi impur. Il aurait donc été doublement impur, d’abord involontairement, puis volontairement.

Si la loi avait été suivie à la lettre, les choses ne se seraient pas déroulées ainsi et aucune guérison n’aurait eu lieu : ni la femme ni la jeune fille n’auraient été guéries.

Mais la logique de Jésus n’est pas celle de la Loi, car sa pureté le met au-dessus de toute impureté. Avec Jésus, ce n’est pas l’impureté qui gagne, mais la pureté, car rien ne peut le rendre impur, de la même manière qu’après sa Passion il ne sera pas retenu par la mort.

Dans ce récit, la vie gagne sur la mort à deux reprises, et cela grâce à la détermination des personnages : la femme ne s’est pas découragée d’avoir essuyé tant d’échecs auprès des médecins, et le père de la jeune fille est lui aussi allé jusqu’au bout, bravant jusqu’à la moquerie de son entourage. Ces deux personnages ont fait gagner les forces de la vie en faisant deux choses : ils se sont montrés déterminés en dépit des obstacles, et ils ont mis leur confiance, non dans une loi qui n’a jamais eu le dernier mot sur les forces de mort, mais dans celui qui est la vie même.

Aujourd’hui, ce récit nous encourage à ne jamais renoncer, à ne jamais nous résigner face à la mort, mais au contraire à mettre tout en œuvre pour aller vers la vie, comme cette femme qui a dépensé tout son argent auprès des médecins pour guérir, puis a bravé tous les interdits pour tenter sa chance auprès de Jésus, ou comme ce chef de synagogue qui n’a pas hésité pas à braver le scepticisme et la moquerie de son entourage.

Je terminerai non par une histoire qui est aussi une histoire juive, parce qu’elle se trouve dans le Premier Testament. C’est une histoire qui dénonce le manque de détermination. Un jour, le roi Joas vient trouver le prophète Elisée pour avoir de l’aide face aux Araméens, ennemis d’Israël. Elisée lui demande de prendre un arc et des flèches, et de tirer une flèche par la fenêtre en direction de ces ennemis, puis il déclare que c’est une flèche victorieuse  contre eux. Il lui demande alors de prendre des flèches et de tirer sur le sol. Le roi tire trois fois, puis s’arrête. Le verdict du prophète est sans appel : parce que Joas n’a pas fait preuve de détermination, il ne pourra pas exterminer les Araméens.

La lecture de la Bible nous encourage à être déterminés, alors continuons à faire coûte que coûte confiance au Seigneur, et soyons sûrs qu’il fera jaillir pour nous les sources de la vie.

Amen

 

 

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