Actes 13, 22-26 – La prédication de Paul à Antioche-de-Pisidie

 

Pasteur Bernard Mourou

Au moment de notre récit, l’apôtre Paul commence le premier de ses voyages missionnaires. Il est donc au début de son ministère d’évangélisation. Il fait équipe avec Barnabé, son premier compagnon de route. Tous les deux, ils ont traversé l’île de Chypre, et maintenant, après avoir regagné le continent et parcouru plus d’une centaine de kilomètres à pied depuis la côte, les voilà qui arrivent dans une ville : Antioche-de-Pisidie.

Le nom d’Antioche peut prêter à confusion, parce que deux villes portent ce nom. Ici, il ne s’agit pas de la ville d’Antioche qui est située en Syrie, la plus connue et la plus renommée des deux, mais d’une ville qui se trouve dans le territoire de l’actuelle Turquie, à 1 200 m. d’altitude, au pied d’une montagne, dans une région de lacs. Elle est appelé improprement Antioche-de-Pisidie parce que, bien que située aux portes de la Pisidie, elle faisait encore partie du territoire de la Phrygie.

Cette ville compte une synagogue où se côtoient des juifs et des païens acquis à la religion juive.

Dans les synagogues, l’usage voulait que l’on donnât la parole aux gens de passage. C’est ce que font les chefs de la synagogue. A Antioche-de-Pisidie pour Paul il se passe exactement la même chose que pour Jésus dans la synagogue de Capernaüm : on lui donne la parole.

Et Paul se lance alors dans une prédication. Le livre des Actes résume cette prédication dont nous avons un extrait dans notre texte d’aujourd’hui.  Paul commence de manière tout à fait classique, par l’histoire d’Israël : le séjour en Egypte, la traversée du désert, la période des juges, puis la royauté, d’abord celle de Saül, puis celle de David.

Tout cela, dans la synagogue ce matin-là, était connu de tous. Peut-être son auditoire commençait-il à s’ennuyer. C’est alors que Paul opère brusquement un saut dans le temps, comme s’il était pressé d’arriver à l’essentiel : il passe sous silence mille ans d’histoire juive, pour en venir à la vie de Jésus.

Ainsi, il relie la royauté de David au ministère de Jésus. C’est ce lien que je voudrais aborder maintenant. De la descendance de David, Dieu, selon la promesse, a fait sortir un sauveur pour Israël.

Paul fait donc de Jésus l’héritier direct du roi David, qui est ici appelé un homme selon le cœur de Dieu : J’ai trouvé David, fils de Jessé ; c’est un homme selon mon cœur qui réalisera toutes mes volontés, reprenant là une expression du Premier livre de Samuel.

Un mot sur David. Il n’a pas été le premier roi d’Israël, il est venu après Saül, il l’a remplacé, parce que ce premier roi ne convenait pas.

Saül avait été choisi pour sa belle prestance. Au début, son règne se passe bien. En tant que roi, Saül donne entièrement satisfaction… jusqu’au jour où… tout bascule. Ce tournant annonce la fin de son règne, qui se produira quelques années plus tard. Et c’est David qui lui succédera.

Que s’est-il donc passé à ce moment du règne de Saül ? Qu’est-ce qui a fait chuter Saül ? Et pourquoi Paul fait-il de Jésus le successeur de David. ,

Cela se passe lors d’un combat, un combat entre les Philistins et les Israélites. Les Israélites ont peur d’être battus. Alors ils font ce qui est normal de faire dans ces cas-là : Ils se tournent vers Dieu et ont l’intention de lui faire un sacrifice.

Jusque-là il n’y a rien à reprocher à personne. Donc ils attendent Samuel, qui en tant que prophète est le représentant de Dieu. Et Saül lui aussi attend. Mais Samuel ne vient pas. Saül attend sept jours. Jusque-là on ne peut toujours rien reprocher à Saül. Ce n’est pas lui qui est en retard, c’est Samuel. On ignore d’ailleurs la raison de ce retard, et Samuel ne prendra même pas la peine de se justifier.

C’est très long, sept jours, quand les ennemis sont en face. Mais au bout de ces sept jours, il n’en peut plus et il prend sur lui d’agir : Il offre lui-même le sacrifice. Où a-t-il fait une faute ? Qu’est-ce qu’il y a de mal à offrir un sacrifice à Dieu ?

Pourtant, c’est bien cela qui est reproché à Saül : Il lui est reproché d’avoir offert un sacrifice à Dieu pour gagner la bataille contre les Philistins. Etait-ce mal d’offrir un sacrifice à Dieu pour gagner une bataille ? La réponse est non : La Bible montre souvent les Israélites offrir des sacrifices avant une bataille. Et puis c’est pour ce sacrifice que Samuel était attendu. Alors, qu’est-ce qui ne va pas ?

Ce qui ne va pas, le ce n’est pas qu’un sacrifice ait été offert, mais c’est que ce soit le roi qui ait offert ce sacrifice. Saül offre le sacrifice alors qu’il est roi.

Qu’est-ce que cela signifie qu’un roi offre un sacrifice ? Cela signifie que Saül s’arroge des droits qu’il n’a pas. Car si le roi, qui est le représentant de l’autorité politique, se met à offrir des sacrifices, il détient aussi l’autorité religieuse.

C’est ce qui se passait chez les peuples environnants. Mais il ne devait pas en être ainsi en Israël. En Israël, il devait y avoir une séparation nette des pouvoirs. C’est ce que nous fait comprendre ce texte, et en ce sens, ce texte est fondateur de la manière d’envisager les liens entre le politique et le religieux.

Alors que peut nous dire ce texte à nous aujourd’hui, nous qui sommes dans une société très différente ?

Eh bien, ce texte peut nous amener justement à réfléchir sur la société laïque dans laquelle nous vivons. Dans la société idéale suggérée par ce texte, le politique ne cherche pas à contrôler ou à museler la religion. Ici ce texte attire notre attention non pas sur les excès du religieux, mais sur les excès du politique. Ce n’est pas le religieux qui est jugé dangereux dans ce texte, mais c’est le politique. Ce texte nous apporte des éléments de réflexion pour réfléchir à notre place dans la société.

Amen

 

 

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