Actes 13, 14-52 – Une prédication de Paul

Notre passage montre l’activité missionnaire de l’apôtre Paul. Comme vous le savez, Paul a sillonné l’Asie mineure et la Grèce dans un seul but : annoncer l’Evangile. Ici, nous sommes au début de son premier voyage missionnaire. Paul et ses collaborateurs sont partis d’Antioche en Syrie, ils ont pris le bateau, sont passés par Chypre et sont arrivés à Pergé, sur la côte sud de l’actuelle Turquie. De Pergé, ils ont continué à pied.

Le texte passe rapidement sur ce voyage à pied depuis Pergé, qui se trouve dans une plaine côtière fertile, jusqu’à une autre ville appelée elle aussi Antioche, mais Antioche-de-Pisidie, loin à l’intérieur des terres, sur les hauts plateaux de l’Asie mineure, à 1 200 m. d’altitude, au centre géographique de l’actuelle Turquie. Antioche-de-Pisidie était une colonie romaine, ainsi que le centre militaire et administratif de la région.

Le texte passe rapidement sur ce voyage, pourtant cela n’a pas dû être une partie de plaisir : la route qui reliait Pergé à Antioche passait par des montagnes inhospitalières, traversait des torrents dangereux, et en plus, elle était fréquentée par de nombreux brigands.

Tout ce voyage a été fait dans le seul but d’annoncer l’Evangile. Lorsque Paul arrive finalement à destination, il se rend à la synagogue le jour du sabbat : c’est là qu’il peut le plus facilement parler aux Juifs de la ville ; et tout naturellement, les responsables donnent la parole à cet hôte de passage. Paul fait donc une prédication. C’est la première prédication de Paul que Luc nous rapporte.

Cette prédication, comment se présente-t-elle ?

Il se trouve que la prédication de Paul suit le même schéma que les autres prédications rapportées dans le livre des Actes : bien qu’elles s’adressent à des auditoires différents – Pierre parle à des Juifs de Jérusalem, Etienne à des Juifs de langue grecque, et Paul à une communauté mêlée de la diaspora, où se trouvent des Juifs et des sympathisants d’origine païenne – toutes suivent le même modèle, toutes sont construites de la même manière : toutes ces prédications commencent par un rappel historique qui constitue la partie la plus longue. Puis on en arrive au message évangélique. Enfin les auditeurs sont placés en situation d’apporter leur réponse.

Si ce rappel historique tient chaque fois autant de place, c’est qu’il est très important. Et c’est un fait : l’auteur du livre des Actes donne une grande place à l’histoire, au point qu’il présente son œuvre – c’est-à-dire l’Evangile de Luc et le livre des Actes, qui au départ ne formait qu’un seul livre – avant tout comme le travail d’un historien.

On aurait pu imaginer Paul aborder directement la mort et la résurrection de Jésus, qui est le cœur de la foi chrétienne. Mais non, il commence par faire un long rappel de l’histoire d’Israël : les patriarches, le séjour en Egypte, la traversée du désert, la période des juges, l’instauration de la royauté, jusqu’au baptême administré par Jean dans le Jourdain et l’entrée en scène de Jésus.

Ce rappel de l’histoire n’est pas sans importance. Il signifie que la foi des chrétiens prend son origine, prend ses racines, dans une histoire. Oui, notre foi s’enracine dans une histoire. Là où les racines sont absentes, la foi est absente aussi.

C’est un rappel de l’action de Dieu pour son peuple, une démonstration de sa fidélité : Dieu a fait grandir le peuple pendant son séjour en Egypte, il lui a donné une nourriture dans le désert, il lui a donné une terre, il lui a donné des juges pour éclairer le peuple, il a veillé sur lui. Oui, le message évangélique s’inscrit dans une histoire, parce que Jésus est venu s’incarner dans notre réalité humaine.

Anne, vous êtes consciente que si vous avez la foi aujourd’hui, c’est parce que vous en avez entendu parler. Vous aurez à votre tour le devoir de la faire grandir dans la connaissance de ses racines chrétiennes. C’est seulement ainsi qu’un jour elle pourra, si elle le souhaite, s’approprier l’héritage spirituel qu’elle aura reçu. Mais cette réponse, elle ne pourra l’apporter que dans la mesure où elle aura été familiarisée avec.

Cet enracinement spirituel se fera à la fois à la maison et dans l’Eglise : à la maison où vous lui parlerez de votre foi et lui raconterez les histoires de la Bible, et à l’Eglise, où elle découvrira, avec l’école biblique, le catéchisme et de temps en temps aussi le culte dominical, que cette foi n’est pas seulement la vôtre, mais qu’elle est aussi celle de la communauté dont vous faites partie.

Alors quel est cet héritage ? Une fois que Paul a resitué les choses dans leur contexte historique, il va pouvoir annoncer le message évangélique. Mais là encore, il le fait en citant des passages des Ecritures : des passages du livre des Psaumes et du livre de Samuel. Paul s’appuie sur ce qui constitue le patrimoine spirituel du peuple juif.

Et le message évangélique consiste à leur dire que Christ est ressuscité des morts. Car c’est cela qui est important et qui caractérise notre foi chrétienne. Kierkegaard disait : Parce que Christ est ressuscité, tout doit bien finir.

Cette prédication ne reste pas sans effet. Il se passe quelque chose : certains croient et d’autres non. Cela crée un clivage, une scission, un conflit entre les uns et les autres. C’est pourtant la même prédication qu’ils ont entendue, et c’est cette prédication qui opère ce clivage.

De la même manière, Anne, vous ne savez pas quelle réponse Lila donnera au message de la grâce. Vous ne savez pas si Lila s’appropriera l’héritage que vous lui aurez transmis. Pourquoi les uns croient, et les autres pas, cela reste un mystère. Aucun être humain n’y a accès, mais seulement Dieu, qui connaît les secrets des cœurs.

Quant à vous, Anne, vous ne serez pas tenue pour responsable de la suite que Lila donnera à son baptême. Cela relève de sa liberté. Car Dieu a fait de nous des hommes et des femmes libres, et il respecte cette liberté. Votre responsabilité, ce ne sera pas celle-là. Votre responsabilité consistera simplement à lui parler de la grâce de Dieu à son égard. Rien de moins, rien de plus.

Amen.

Bernard Mourou

 

 

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