Pasteur Bernard Mourou Le texte de ce dimanche nous met en présence de Jésus quand il a commencé son ministère. Nous voyons Jésus au cœur de sa mission, qui consiste à proclamer l’Evangile de Dieu, selon l’expression utilisée ici. Avec cette simplicité, cette sobriété qui est spécifique à l’Evangile de Marc, on nous donne deux indications majeures : – l’une est d’ordre temporel ; – l’autre d’ordre géographique. La première, qui nous situe dans le temps, nous informe que le ministère de Jésus commence dès le moment où Jean-Baptiste est arrêté. Oui, c’est l’arrestation et l’emprisonnement de Jean-Baptiste qui marquent le commencement son ministère. Jésus ne se place pas dans une concurrence avec Jean-Baptiste : au moment où l’un est passé à l’arrière-plan, l’autre se révèle. Tant que Jean-Baptiste était actif, Jésus était resté dans l’ombre. Il lui a laissé faire ce travail préparatoire : remettre le peuple devant la réalité de son péché et de sa finitude par la prédication en vue de la repentance. Mais maintenant que ce travail préalable est terminé, Jésus va pouvoir annoncer non plus la condamnation, mais la grâce de Dieu, comme une évidence. La seconde indication, l’indication géographique, concerne le lieu où Jésus a commencé son ministère : il a quitté la Judée, où il s’était fait baptiser par Jean et s’était retiré dans le désert, pour se mettre à parcourir les chemins de la Galilée, qui est la région dans laquelle il a grandi et où il est chez lui. Une vingtaine d’années auparavant, l’apôtre Paul, dans un parallélisme frappant, employait déjà la même expression pour parler de son propre ministère, et il a utilisé plusieurs fois une formule identique à celle qui est employée ici : l’Evangile de Dieu. C’est une manière pour l’Evangéliste, qui s’inscrit dans la tradition paulinienne, de souligner qu’il existe une continuité entre la prédication de Jésus et celle de l’apôtre Paul. L’Evangile de Marc est un Evangile paulinien. Après ces deux indications, temporelle et géographique, c’est-à-dire après avoir balisé de manière précise le temps et l’espace, l’Evangéliste peut résumer comme une évidence le message de Jésus qui s’incarne dans la géographie et dans l’histoire : Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. L’Evangile de Marc a l’art de s’exprimer avec concision et d’aller à l’essentiel Au moment de notre récit, Jean-Baptiste est toujours en prison. Pourtant, alors qu’il est réduit à l’inaction, Jésus ne manque pas de nous surprendre quand il affirme que les temps sont accomplis. L’apôtre Paul parle lui aussi d’accomplissement, et là encore nous pouvons remarquer le parallèle. Jean-Baptiste aurait-il été de cet avis ? En tous cas, Jésus reprend intégralement son appel à la conversion : Convertissez-vous. Dans le contexte juif, se convertir ne signifie pas changer de religion, mais revenir en arrière pour reprendre le bon chemin. Jésus reprend donc le message de Jean-Baptiste. Il y ajoute juste une chose, mais une chose qui change tout : après leur conversion les disciples de Jean-Baptiste se trouvaient exactement dans la même situation qu’avant, mais Jésus les invite à une vie radicalement nouvelle en leur disant : Croyez à l’Evangile, c’est-à-dire croyez à la bonne nouvelle que vous vivez maintenant avec la grâce inconditionnelle de Dieu. C’est alors que commence pour Jésus l’étape suivante : il va rencontrer ses quatre premiers disciples : Pierre, André, Jacques et Jean. Ils constitueront le premier cercle et tiendront la première place parmi les Douze. Ces premiers disciples ont trois points communs : – ils exercent la profession de pécheur ; – ils habitent tout près les uns des autres : sur les rives du lac de Galilée ; – en tant que premiers disciples, ils joueront par la suite un rôle plus grand que les autres parmi les Douze. Au moment où Jésus les rencontre, Pierre, André, Jacques et Jean sont absorbés par leur activité professionnelle et dans les impératifs du quotidien. C’est là que Jésus vient les chercher. Mais cette rencontre a sur eux un impact immédiat : aussitôt, ils laissent leurs filets pour le suivre. A cet endroit, le lac de Galilée était poissonneux et faisait de la pêche une activité assez lucrative. En Galilée, les pécheurs gagnaient mieux leur vie que les paysans. Pourtant nos quatre disciples suivent Jésus sans poser de question. En tous cas, l’Evangéliste ne rapporte aucun dialogue entre Jésus et ces disciples, il ne fait parler que Jésus parle, et tout se passe comme s’ils pouvaient laisser l’entreprise familiale sans état d’âme, comme une évidence. Tout se passe très vite. Aussitôt, nous dit le texte. Dans cet Evangile de Marc, nous retrouverons souvent ce petit mot aussitôt, qui revient comme un leitmotiv pour montrer l’enchaînement rapide des événements pendant cette courte période de trois ans qui a vu le ministère de Jésus. Dans ce début d’Evangile, l’accent est mis sur la simplicité. Pour Pierre, André, Jacques et Jean, devenir les disciples de Jésus s’impose. Dans l’Evangile de Marc, la simplicité est là pour être au service de cette idée que le fait de devenir disciples bannit toute hésitation s’impose à nous comme une évidence. Amen |