Marc 1, 1-8 – Faire place nette

 

Pasteur Bernard Mourou

Commencement de l’Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu : en ces quelques mots l’Evangéliste résume tout son propos.

On reconnaît bien là le style abrupt et lapidaire qui signe cet Evangile. Contrairement aux Evangiles de Matthieu, Luc ou Jean, celui de Marc entre directement dans le vif du sujet, en escamotant toute forme d’introduction. Et si l’expression Fils de Dieu est un ajout tardif, comme le pensent beaucoup d’exégètes, à l’origine l’entrée en matière de cet Evangile était encore plus directe.

Ces premiers mots sont un véritable programme. On y découvre quatre affirmations fondamentales sur le propos de cet Evangile :

–  l’annonce évangélique est d’une nouveauté radicale ;

–  il annonce une bonne nouvelle  – c’est le sens du mot Evangile en grec ;

–  il affirme que Jésus est le Messie attendu – c’est la signification de ce terme Christ ;

–  il affirme que Jésus est Dieu.

D’entrée tout est dit.

La suite viendra seulement confirmer cette présentation de départ : pas de suspense donc, mais juste la démonstration d’un message révolutionnaire. Au fil des pages le lecteur comprendra en quoi consiste la nouveauté radicale de ce message : pourquoi il s’agit d’une bonne nouvelle, dans quelle mesure Jésus est le Messie que les juifs attendent, et ce que signifie cette expression Fils de Dieu appliquée à Jésus.

Pour assurer le sérieux de son propos, l’Evangéliste commence par s’appuyer sur un texte de l’Ancien Testament. Donc après cette phrase-programme, il enchaîne non avec une généalogie ou un récit de Nativité, mais avec un ancrage dans les Ecritures sous la forme d’une citation.

A vrai dire, cette citation est un peu arrangée. En fait elle réunit trois textes issus de trois livres différents : le livre de l’Exode, le livre du prophète Malachie et le livre du prophète Esaïe. Mais nous ne devons pas en être troublés : à l’époque, il était courant de procéder ainsi, c’était une forme de rhétorique, une manière de donner plus de force à son propos. De toute façon, un discours qui tendrait à vouloir prouver que Jésus est bien le Christ n’est pas de mise.

Dans cette citation composite, il est question de celui qui précédera le Messie. Car le Messie ne pouvait pas s’autoproclamer tel ; s’il s’était présenté en disant de lui-même : « Je suis le Messie », il n’aurait pas été plus crédible que le fondateur d’une secte.

Les juifs avaient leur idée sur la venue du Messie. Ils pensaient qu’il devait être précédé par  le retour du prophète Elie. Vous vous rappelez comment la Bible, dans le second livre des Rois, raconte qu’Elie n’est pas mort, mais qu’il est monté au ciel dans un char de feu tiré par des chevaux de feu.

Mais la difficulté pour l’Evangéliste, c’est que personne n’a vu le prophète Elie précéder Jésus. Il faut donc faire revêtir à celui qui a facilité le ministère de Jésus, Jean-Baptiste, les habits de ce grand prophète. Alors l’Evangéliste nous montre Jean vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins, exactement comme le second livre des Rois nous décrit Elie. Et le tour est joué. Mais là encore, nous ne devons pas en être troublés : c’est une manière admise à l’époque de faire coïncider le Premier Testament avec les événements.

L’Evangéliste insiste donc sur le fait que le ministère de Jean-Baptiste a effectivement préparé celui de Jésus et que, par conséquent, il est bien ce messager attendu avant le Messie.

Concrètement, le travail préparatoire accompli par Jean a consisté à faire prendre conscience à ses contemporains de leur péché et de leur finitude, et tous ceux qui font cette démarche, il les baptise dans le Jourdain.

Ce baptême de repentance n’est pas le baptême chrétien car il ne donne pas le Saint-Esprit à ceux qui viennent se plonger dans les eaux du Jourdain : Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau, dit Jean, lui, Jésus, vous baptisera dans l’Esprit Saint. Ce baptême n’accomplit rien, il atteste seulement la repentance de ceux qui le reçoivent. C’est un baptême purement symbolique, alors que le baptême chrétien, grâce au Saint-Esprit, sera un baptême efficace qui accomplira la purification attendue.

La repentance est un changement radical : non pas un retour de l’être humain sur ses fautes et par conséquent sur lui-même, mais un retour vers Dieu.

Jean-Baptiste est l’homme de la rupture : il rompt avec les anciennes pratiques, avec le péché, avec les faux dieux, et il fait place nette, pour laisser la place à celui qui vient rétablir toutes choses, tout cela dans une parfaite humilité : Voici venir celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales.

Et ce Jésus se révélera bien différent de son précurseur : il ne sera pas un ascète habitué à une vie rude dans le désert de Judée, mais un bon vivant venu de la verte Galilée, qui n’hésitera pas à partager la table de tous ceux qui étaient qualifiés de pécheurs par des gens qui l’étaient tout autant qu’eux. 

Le thème de la repentance traverse toute la Bible hébraïque. En en faisant son message central, Jean-Baptiste s’inscrit dans cette tradition et il reste un homme de l’Ancienne Alliance, et en même temps, il annonce Jésus, qui aura ce message d’une extraordinaire nouveauté : Dieu nous accorde sa grâce inconditionnelle.

Ainsi, le texte de ce dimanche nous rappelle que la venue de Jésus a été précédée par une rupture radicale.

En ce temps de l’Avent qui nous prépare à la fête de Noël, nous invite à nous rendre attentifs à cette invitation de Jean-Baptiste à nous repentir pour faire place nette. Et alors nous pourrons accueillir dans nos cœurs la grâce que Dieu a manifestée à l’humanité et que nous célébrons à Noël.

Amen

 

 

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