Pasteur Bernard Mourou
Dimanche prochain nous fêterons Noël, la fête de l’Incarnation, Dieu venu rejoindre l’humanité.
Sans le consentement de Marie, sans son accueil inconditionnel de la Parole divine, cette naissance de Jésus n’aurait été possible.
L’Evangile de Matthieu que nous lisons ce matin, contrairement à celui de Luc, choisit de braquer les projecteurs non sur Marie, mais sur Joseph, qui joue lui aussi un rôle capital par rapport à la naissance de Jésus.
Notre texte nous donne un certain nombre d’informations à son sujet.
D’abord, Joseph est présenté comme un homme juste. Dans l’Ancien Testament, être juste ne signifie pas respecter parfaitement la Loi juive, qui n’est d’ailleurs à la portée de personne, mais être juste, c’est vivre avec candeur sous le regard de Dieu, c’est avoir cette honnêteté intellectuelle qui ne triche pas avec la réalité du péché.
Lorsqu’un jeune homme et une jeune fille étaient fiancés, on les considérait déjà comme des époux. Rompre des fiançailles sans avoir un bon motif, cela ne se faisait pas. La seule différence entre fiançailles et mariage, c’était la question des relations sexuelles : les fiancés devaient rester chastes jusqu’au mariage proprement dit.
Dans la société juive de cette époque, qu’une jeune fille fiancée à un homme devienne enceinte avant le mariage, c’était inadmissible aux yeux de n’importe quel juif pieux.
Eh bien, malgré ces usages, contre toute attente, Joseph n’est pas en proie à la jalousie, il ne regarde pas à lui-même et au préjudice qu’il semble avoir subi, ce qui serait pourtant une réaction bien naturelle, non, il renonce à dénoncer Marie aux chefs religieux, mais il s’apprête à la renvoyer, en toute discrétion pour qu’elle ne subisse aucun préjudice.
Par son attitude, Joseph nous montre qu’il ne suit pas la Loi à la lettre, mais qu’au-dessus d’elle il place la grâce.
Si Joseph avait suivi la Loi à la lettre, il aurait répudié Marie publiquement. Mais ce n’est pas ce qu’il fait : avant même d’en savoir plus sur la raison qui a fait que Marie est enceinte, à un moment où tout peut lui laisser penser qu’elle lui a été infidèle, il a la délicatesse de veiller à s’éloigner sans lui porter préjudice.
Les Evangiles ne parlent pas beaucoup de Joseph. Dans l’histoire de l’art, la scène de l’Annonciation a fait l’objet de nombreux tableaux. On pense à celles de Fra Angelico, de Botticelli ou de Piero della Francesca.
Rien de tel pour Joseph. Si nous ne sommes pas familier des textes bibliques, cela peut nous donner l’impression que seule Marie a entendu les paroles d’un ange. Mais ce n’est pas le cas : même si l’annonce à Joseph est moins photogénique, dans l’Evangile de Matthieu ce n’est pas à Marie qu’un ange s’adresse, mais bien à Joseph.
Cette annonce lui est faite dans un rêve. Et ce n’est pas n’importe quel ange : Marie avait eu droit à l’intervention de l’ange Gabriel, mais pour Joseph, c’est l’ange de l’Eternel lui-même. L’annonce à Joseph n’est donc pas secondaire par rapport à celle de Marie.
Dans ce rêve, l’origine royale de Joseph est rappelée : il est fils, c’est-à-dire descendant, du roi David.
L’ange ne lui annonce pas la naissance de l’enfant, mais il lui fait une demande par rapport à Marie : il ne s’agit plus seulement de ne pas la dénoncer publiquement aux autorités religieuses, mais de la considérer comme son épouse légitime et de la prendre chez lui sans réserve, c’est-à-dire de faire comme si elle n’était pas enceinte. Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint.
Cette révélation lui suffit et, de même que dans l’Evangile de Luc, Marie obéit fidèlement aux paroles de l’ange, Joseph obéit tout aussi fidèlement à l’annonce angélique qu’il perçoit dans son rêve. Le texte est d’une concision admirable pour dire l’obéissance de Joseph : Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse. Joseph s’inscrit dans la lignée d’Abraham.
Puis l’ange lui fait une seconde demande : donner le nom de Jésus à cet enfant qui va naître : Tu lui donneras le nom de Jésus car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. Ce nom résume tout son ministère.
C’est donc à Joseph que revient la responsabilité de donner un nom à cet enfant. En ce sens, Joseph incarne le principe de paternité.
Comme Marie est un modèle de foi pour nous, Joseph, à sa manière, en est un aussi, surtout dans une époque qui est particulièrement peu propice à cette notion de paternité. Aujourd’hui, ce principe de paternité est en effet mis à mal.
Oui, comme Marie mais d’une autre manière, Joseph est une figure emblématique.
Et justement, en janvier, nous aurons au temple de Manosque un spectacle d’Alain Portenseigne sur ce personnage de Joseph : « Joseph, père adopté ». Il nous présentera une réflexion sur ce thème de la paternité à partir de ce personnage discret mais incontournable de Joseph.
Comme Jean-Baptiste nous a accompagnés à nous préparer à Noël pendant ce temps de l’Avent, Joseph peut aussi nous accompagner et être une figure stimulante pour notre foi.
Amen