Marc 13, 33-37 – L’inattendu de Dieu

Vous avez remarqué que la couleur liturgique a changé. Le violet nous rappelle que le temps de l’Avent a commencé, et avec lui notre année liturgique. Il y a aussi cette belle couronne confectionnée par Lina. Cette année, c’est avec l’Evangile de Marc que nous découvrirons ou redécouvrirons cette bonne nouvelle qui nous est adressée.

Une nouvelle année liturgique, c’est pour chacun d’entre nous la possibilité d’un nouveau commencement. Alors pourquoi attendrions-nous le 1er janvier et ses bonnes résolutions que n’arrivons à tenir seulement quelques jours ?

Le mot « Avent » signifie avènement, c’est-à-dire « ce qui doit venir ». Ce qui doit venir, nous sommes invités, par le texte d’aujourd’hui, à l’attendre en veillant, en exerçant notre vigilance.

Veiller, au premier abord, cela ne semble ni facile, ni naturel : dans les cinq versets de ce texte, nous trouvons par trois fois l’exhortation à veiller : veillez : car vous ne savez pas quand viendra le moment ; veillez, car vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra ; je le dis à tous : veillez !

Non, effectivement, veiller ne va pas de soi. En général, quand on veille, c’est la nuit, pour garder quelque chose : un malade à l’hôpital, une position militaire. Veiller, ce n’est pas très passionnant, parce que souvent il ne se passe rien, et c’est même ce que le veilleur peut espérer de mieux. Mais le veilleur peut être gagné par un sentiment d’inutilité.

Dans une guerre, le soldat qui veille permet à tous les autres de dormir et de récupérer leurs forces. Veiller, cela consiste à attendre, attendre soit l’ennemi, soit simplement la fin de son tour de garde.

Mais il n’en va pas ainsi avec l’Evangile. Ici, il s’agit d’une attente active, d’une quête, d’une quête de l’essentiel, de ce qui nous fait vivre.

Nous le savons, le mal est présent dans toutes les civilisations et à toutes les époques. Il est une constante de l’histoire humaine. Il est présent à toutes les époques, mais il est encore plus perceptible dans les périodes de crise, comme celle que nous vivons actuellement. Mais ce n’est pas tant sur le mal que l’Evangéliste veut attirer l’attention. S’il nous exhorte à veiller, c’est afin de pouvoir mieux accueillir la venue du Christ. C’est sur lui doit se porter toute notre attention.

Et c’est bien cela qui n’est pas facile, parce que parfois le Seigneur peut nous paraître absent et ce n’est que par la foi que nous pouvons être conscients de sa présence. Dans le Nouveau Testament, les textes qui parlent de cette absence ne manquent pas : nous pensons à la parabole des vignerons, à la parabole des talents, à la parabole des vierges folles, et encore à bien d’autres passages.

La présence du Seigneur ne s’impose pas comme une évidence pour le croyant. Si cette présence était une évidence, nous serions certes rassurés, mais nous ne serions pas libres. Or Dieu nous veut libres, pour que nous lui portions un amour véritable. L’amour est incompatible avec toute forme de contrainte. Dans l’amour, on ne maîtrise pas l’autre. 

Si l’Evangéliste choisit ce genre apocalyptique et souligne le côté sombre des événements à venir, c’est pour mieux faire apparaître le côté lumineux de cet événement unique : le retour en gloire du Christ, comme un peintre souligne la lumière par des ombres bien marquées. Par conséquent, ce qui est important dans ce texte, ce ne sont pas les catastrophes annoncées, mais bien plutôt l’espoir que constitue le retour du Christ.

Dans cette perspective, cela signifie qu’il est inutile de vouloir, avec ce texte, satisfaire notre curiosité. Il ne nous donne aucune indication sur la date à laquelle les derniers événements se produiront, mais juste qu’ils peuvent survenir à tout moment, absolument n’importe quand, d’où la nécessité de rester vigilant.

Non, nous ne pouvons pas connaître la dates des derniers événements, et heureusement, parce que sinon, nous serions à la place de Dieu. En fait, il ne s’agit pas de calculer quand les derniers événements auront lieu, car nous n’en avons ni la maîtrise, ni la connaissance : cela appartient à Dieu seul. Même Jésus, lorsqu’il était sur terre, reconnaissait ne pas connaître la date de ces événements : dans le verset qui précède immédiatement notre passage, Jésus déclare : Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père.

Pourtant cette erreur de lecture n’a pas manqué d’être commise au cours de l’histoire, et notamment pendant les périodes de changements et de crises à toutes les époques de crise.

Ce fut le cas lors de la grande terreur de l’an 1000. Ce fut le cas au moment de la Réforme, quand on ne doutait pas que le pape de l’époque était l’antéchrist. Et aujourd’hui, nous vivons aussi dans une époque de crise, sans savoir sur quoi elle va déboucher. Alors veillons, soyons vigilants, mais prenons garde à ne pas faire de contresens quand nous lisons les textes des Evangiles qui nous parlent des derniers événements.

Et c’est justement parce que nous ne connaissons pas la date des derniers événements qu’il faut veiller. Quand on connaît la date d’un événement, il n’est pas nécessaire de veiller, il suffit de le noter sur son agenda.

Mais que signifie veiller ?

Veiller, c’est rester ouvert à la présence de Dieu dans nos vies. Veiller, c’est ne pas passer à côté de l’essentiel. Veiller, c’est savoir s’arrêter et avoir tous ses sens en alerte pour discerner une présence discrète. Veiller, ce n’est pas rester passif en se disant que ce qui doit arriver arrivera de toute façon. Veiller, ce n’est pas non plus s’agiter dans tous les sens. Veiller, c’est rester ouvert à l’inattendu de Dieu. Veiller, c’est d’abord nous rendre attentif à ce qui précède la venue du Seigneur dans nos vies.

Et nous sommes invités à veiller non en fonction de ce que nous savons, mais en fonctions du fait que nous ne savons rien des événements derniers. Les disciples du Christ ne sont pas des initiés, mais des veilleurs.

A Noël, Jésus qui se rend présent au monde. Ce temps de l’Avent dans lequel nous entrons nous apprend à nous rendre attentif à cette présence discrète dans nos existences. Saurons-nous voir les signes de sa présence dans nos vies ?

Amen.

Bernard Mourou

 

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